D'habitude, le jaune et le vert sont les couleurs respectives du
Hezbollah et d'Amal, les deux grands partis chiites libanais. Mais, en ce moment au Liban, c'est comme si Dieu était brésilien et Ronaldo son prophète. Pas une rue de Beyrouth, pas un village de la Bekaa qui ne soit pavoisé de vert et d'or. Il y en a partout: en fanion sur le capot des voitures, en T-shirts, en drapeaux accrochés aux balcons ou aux antennes de télé" En fait, pour les Libanais, le Brésil n'est pas vraiment un pays étranger. «Des dizaines de milliers de Libanais vivent là-bas, certains depuis un siècle, confirme George Samaan, un chauffeur de taxi qui a de lointains cousins à Rio. De toute façon, dans ce pays, tout le monde a vécu un moment à l'étranger.» En fait, afficher ses préférences est une quasi-obligation sociale. Derrière le Brésil, vient l'Allemagne, suivie par l'Italie, l'Argentine, la France" Certains, comme le célèbre musicien Zyad al-Rahbané, coupent la poire en deux: «J'ai acheté un drapeau brésilien et un allemand, comme ça pas de jaloux. Je pense être tranquille jusqu'à la finale.» Mais un tel oecuménisme est rare. Au détour d'une ruelle, on peut lire des inscriptions bombées à la peinture comme: «Naam lil Brazil! Al-Mout lil Almaan!» («Vive le Brésil! Mort aux Allemands!») Le foot serait-il la continuation de la guerre par d'autres moyens? Pendant la guerre (1975-1990) d'ailleurs, les matchs de Coupes du monde étaient l'assurance d'une pause dans les bombardements.
Les sociologues