Le Domaine des Ombrages à Marly-le-Roi, près de Paris, abrite une
armée de l'ombre: déficients visuels et aveugles, qui viennent se rééduquer au milieu de la verdure et des chants d'oiseaux. Le soir de France-Arabie saoudite, certains des dix-sept pensionnaires «regardent» la télé. Malgré leur handicap et la fatigue des exercices enchaînés depuis le matin. Ils s'installent lentement sur un canapé et quelques fauteuils, disposés autour d'un téléviseur. Un programme du Mondial, en braille, est posé sur une table basse. Antonio s'assoit à moins d'un mètre de l'écran. Une rétinite pigmentaire l'y oblige. Ainsi, il entrevoit, sa vision «tubulaire» ne lui laissant qu'un champ réduit, au centre. «Très près, je vois un peu, mais j'ai du mal à suivre le ballon.»
Déduction. Eric, lui, souffre de la maladie de l'Eber; une tâche au milieu de chaque oeil, qui lui «bouffe» la vue. Il ne verra pas le ballon, et à peine la couleur des maillots. «Mais je m'y connais en foot, dit-il, j'arrive à déduire les actions.» Jean-Marie, plus chanceux, peut «pratiquement tout suivre». Quatre non voyants se sont joints à eux. Yvan, Gérard, Jean-Paul et Claudine, la seule femme du groupe, qui est là «parce que c'est la France». Pour eux, les Bleus vont évoluer dans le noir. Claudine s'est installée de telle façon que, si elle pouvait, elle ne verrait que la carcasse plastique du téléviseur. «L'important, c'est le son, précise Christophe, l'éducateur, ils n'écoutent pas le match à la radio parce qu'ils ne