Bucarest, Petrosani envoyé spécial
Depuis une demi-heure, Constantin Catuti énumère les malheurs du Clubul Sportiv Jiul Petrosani en appuyant ses deux mains sur le contreplaqué de la table. Le ton du président est las, son regard morne, son bureau est sombre et crasseux. Et puis, d'un coup, sa voix s'anime et son regard se fixe: «On a dit à l'étranger que nous avions échangé nos joueurs contre des denrées alimentaires. C'est faux!» Le ton de Constantin Catuti retombe. Oui, c'est faux. Le Clubul Sportiv Jiul Petrosani, première division, n'a pas échangé «des» joueurs contre de la nourriture. Il en a troqué un seul contre de la viande. Mais le nombre n'y change rien. Constantin Catuti peut s'indigner, relativiser, se justifier, on arrive toujours à cette mathématique simple: 75 kg de manieur de ballon moyen de la première division roumaine s'échangent contre environ 15 carcasses de porc.
Mine tarie. Mais, avant ça, Jiul Petrosani avait vendu beaucoup de joueurs pour de l'argent, un par un pour survivre, payer ceux qui restaient, entretenir le stade. Histoire de misère. Petrosani, capitale du pays minier, dans la vallée de la Jiul, à 300 kilomètres à l'ouest de Bucarest, c'est une ville perdue dans la montagne où mènent une route et un chemin de fer construits à la pelle et à la pioche par l'armée et les jeunesses communistes à l'époque du socialisme charbonnier, il y a une quarantaine d'années. Le socialisme est passé, le charbon aussi. En octobre de l'année dernière, 20 000 mi