Dans la nuit stéphanoise, presque déserte et obscure en cette veille de match, un groupe de jeunes en bermuda interpelle un couple qui longe les murs dans une atmosphère de couvre-feu. «Exquiousé-nous, où est Barbares' Square?» Après un bref instant de perplexité, la dame répond: «Oh, I see. Tout direct, where il y a beaucoup de people.» Le groupe poursuit dans la rue de la République entre des bandes de jeunes beurs à l'affût, traverse des rangs de CRS goguenards, parvient place Jean-Jaurès, archibondée d'une foule de milliers d'Anglo-Saxons. Qui achèvent leurs réserves de bière, bavardant comme dans un pub géant, debout, assis ou allongés dans l'attente des premières lueurs de l'aube; qui parfois vont se débarbouiller dans la fontaine ou se dégourdir les jambes face aux froggies en civil ou en uniforme.
«Trop monstrueux». Ça donne ce genre de scènes, par exemple place de l'Hôtel-de-Ville, à 1 heure du matin: un commando de teenagers patriotes dont la prononciation maghrébine se mâtine de l'accent stéphanois prépare un raid, des canettes à la main. «Dis, ma parole! on va leur tremper leur putain de gueule d'engliches dans leurs putaines de bière à ces enculés. T'as vu ce qu'ils ont fait à Marseille"» Une Anglaise, en légère pâmoison éthylique, fait malencontreusement tomber une barrière métallique en accrochant son sac. Le commando se disperse comme des moineaux, en criant: «T'as vu ce qu'ils font, ils sont trop monstrueux ces cons.» Ces derniers courent apr