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Libération

Vu de Haïti. Le courant passe

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publié le 1er juillet 1998 à 6h58

Claude Elisma respire. Il n'a pas manqué jusqu'à présent un kilowatt

à la perfusion cathodique qui alimente le coma footballistique d'Haïti. Le courant passe dans les téléviseurs à l'heure des matchs, et le directeur d'EDH (Electricité d'Haïti) a une bonne chance d'échapper au lynchage médiatique et au «déchouquage» (limogeage) que provoquerait la moindre défaillance. Une panne lors d'un match où figure le Brésil, porteur par procuration de tous les fantasmes ethno-nationalistes de la petite nation caraïbe, déclencherait à coup sûr une émeute. La population joue le jeu en appliquant les consignes du directeur: débrancher au bénéfice exclusif du sacro-saint téléviseur tous les autres appareils de la maison: pompe à eau, frigo et air conditionné. Les industriels se sont de leur côté résignés à l'inéluctable: les heures de match sont de facto chômées, hommes et machines déconnectés. C'est ainsi qu'EDH parvient à gérer, le temps de cette trêve, sa pénurie structurelle. La compagnie ne peut en effet produire que 100 mégawatts au maximum sur les 115 que réclame Port-au-Prince pour sa consommation domestique. La dictature du football n'aidera pas en revanche à résoudre la paralysie politique du pays, qui détient le record de la plus longue crise ministérielle de l'Histoire depuis la démission, le 9 juin 1997, du chef du gouvernement. Une course de lenteur, sans vainqueur pour l'instant, oppose le président Préval, guère pressé de lui désigner un successeur, une Assemblée absentéis