Plateau de Beille, envoyé spécial.
Abraham Olano ne gagnera pas encore cette année. Abraham Olano n'a même pas passé les Pyrénées. Hier, lors du ravitaillement, il a mis pied à terre. Il était tombé la veille dans la descente de l'Aubisque, oublié dans le brouillard où sa chute passa à peu près inaperçue. Le meilleur champion espagnol avait une grosse plaie à la cuisse droite et les communiqués médicaux l'ont ignoré. Il s'était bien battu pourtant jusqu'à l'arrivée à Luchon. Impossible de se mettre en danseuse, il appuyait quand même pour limiter les dégâts. Un si beau combat aurait mérité quelques lignes, une petite ode en vers libres comme il s'en tisse tant pendant le Tour de France.
Plaie béante. Il n'en a pas eu. C'est une occasion perdue et, cette année, c'est du gaspillage. Il y avait de quoi faire, de la chair et du sang: un témoin affirme que sa plaie était en fait un trou et qu'il a laissé un bout de viande sur cette pente humide revêtue d'un mauvais goudron où on n'y voyait pas à cinq mètres. Maintenant qu'on ne sait plus de quoi les victoires sont faites, il conviendrait pourtant de s'intéresser aux perdants. Du point de vue de la science, il est possible qu'il n'y ait guère de différence. C'est l'alchimie qui change ou quelque chose d'écrit dans les étoiles, dans les viscères de poulet peut-être et tout cela est bien plus étrange. Olano donc est le champion que toute l'Espagne attend depuis qu'Indurain a mis son vélo au clou. Elle l'attend parce que c'est diffici