Les Deux-Alpes, envoyé spécial.
Pour beaucoup, l'étape a commencé au milieu de la nuit. Dans les hôtels de Grenoble, les fenêtres tremblent sous la force de l'orage. Ceux qui se sont endormis dans la chaleur moite s'éveillent en sursaut au bruit du tonnerre. Ils peuvent maudire leur sort et retourner à leur sommeil agité: il ne reste que de courtes heures de repos jusqu'au petit matin pluvieux qui annonce une autre journée de galère. Après les coups de colère et la détresse des derniers jours, les premiers tours de roue seront difficiles. Les traits sont tirés sur les boulevards qui bordent l'Isère. Les montagnes enserrant la ville sont escamotées par un brouillard que la rumeur dit glacé. Dans la cuvette grenobloise où les coureurs finissent de se couper du monde, le jour s'est à peine levé et l'ambiance est électrique. Aux portes de son car, la foule veille et Jan Ullrich n'apparaît pas. A quelques mètres de là, Marco Pantani s'est enfermé à double tour. L'Américain Bobby Julich fait quelques pas à côté de son vélo. Il a le regard fiévreux et déclare, avec un sourire énigmatique, que «la journée sera épique». Voilà de quoi rêvaient certains dans leurs nuits confuses: un coup de gros temps qui mettrait la course sens dessus dessous et redonnerait à leur sport sa tonalité lyrique.
Ils sont servis. Après la fournaise de Provence, le vent et la pluie battante, le brouillard et le froid. Beaucoup vont sombrer et souffrir mille morts. Parmi eux, Jan Ullrich finira sacrifié et rava