Neuchâtel, envoyé spécial.
Au point où nous en sommes, la nuit ne porte plus conseil. Quand nous retrouvons les coureurs, sur les rives ensoleillées du lac du Bourget, près d'Aix-les-Bains, c'est comme s'ils n'avaient pas bougé depuis la sinistre arrivée de la veille. Assis aux portes des voitures, ils sont toujours aussi confus et désemparés. Ils ont les yeux battus, les traits tirés et se divisent encore sous nos yeux. Deux équipes, Kelme et Vitalicio Seguros, décident de ne pas partir. Mais à l'ombre d'un bosquet, Bobby Julich, le jeune Américain de Corpus Christi (Texas), défend la course avec des accents de prédicateur: «Depuis que j'ai découvert, enfant, le Tour à la télévision, je sais que c'est là que doit s'accomplir mon destin. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que nous allions jusqu'à Paris. Je le dois à ma famille, à mon pays, à mes équipiers"» Le dauphin de Pantani est si exalté qu'il n'entend pas l'appel du speaker et se trouve près de manquer le départ. Ses compatriotes le ramènent sur terre et l'expédient vers la ligne.
Poussé sur la ligne. En traversant le parking à vive allure, il n'a sans doute pas le temps d'apercevoir Luc Leblanc résigné en tenue de ville, ni la silhouette figée de Stéphane Barthe ruminant son malheur dans son coin. L'ancien champion de France, qui dispute son premier Tour au sein de l'équipe Casino, a le coeur au bord des lèvres. Il n'a presque pas dormi et traîne sa misère depuis le réveil. Il ne veut pas partir. Son employeur