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Libération

Parti d'Ukraine, le coureur espérait atteindre BordeauxLe vieil homme qui croyait voir la mer Evgueni comptait sur l'hospitalité française. Trop naïf.

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publié le 6 octobre 1998 à 13h28

C'est un retraité de la marine soviétique aux yeux bleus qui voulait

«connaître le monde». L'ancien chef mécanicien Evgueni Yalovoï «n'a que ses pieds» pour toute richesse et trois cartes routières pour les mettre dans le bon chemin. L'officier sous-marinier Yalovoï a 71 ans et le coeur d'un enfant. L'Ukrainien a parcouru, en courant, près de 3 200 kilomètres à travers la Pologne, l'Allemagne et enfin la France, pour se rendre compte que, finalement, tous les hommes ne se valaient pas; qu'il en existaient de «biens gentils» et puis aussi de «bien cruels». Cet homme est parti de Sébastopol voilà deux mois et demi avec pour tout bagage un passeport, «une lettre d'intention au maire de Bordeaux», un minuscule livre de bord qui tient dans la poche d'une chemisette, un coupe-vent et un mois de pension militaire (50 dollars). Il aurait tant voulu arriver jusqu'à l'Atlantique, car il était porteur d'une lettre «fraternelle du maire de Sébastopol à son homologue bordelais». Dans la lettre, il est question d'amitié entre les deux peuples et de ponts qu'il faut jeter entre les pays. Cette lettre aurait dû lui servir de sésame. Elle devait lui ouvrir en cas de besoin les portes les plus inhospitalières. Evgueni Yalovoï n'y eut jamais recours tant qu'il trottait à travers la Pologne et l'Allemagne. On lui ouvrit les portes des villes. Il coucha dans les chambres douillettes, mangea partout à sa faim.

Le rêve brisé. Partout, on lui demandait: «Pourquoi courez-vous vers la France?» Et il