«Libération» suit la Route du rhum de l'intérieur, à bord d'un
paquebot dans le sillage de la course.
A bord du «Princesse Danaë», envoyé spécial.
Monsieur et madame Mallaret sont des retraités délicieux. Des hôtes que chacun aimerait avoir à sa table. Leur fils, Bernard, est sur l'océan au large du cap Finisterre. Son sloop en aluminium saute sur les flots depuis le départ de la Route du rhum, allant d'avaries en avaries. Il y a deux jours, Bernard Mallaret a parlé à la radio. Sa quille pivotante lui donnait de gros soucis. Il avait même enfilé sa combinaison de survie et «préparé le radeau de sauvetage». La pièce qui maintient la quille dans les obliques souhaitées par le navigateur s'est rompue. Au bout de cette lame d'acier qui trempe à 4,50 m sous la ligne de flottaison, 5 tonnes de métal vont et viennent sans raison. A 300 milles des Açores, Bernard Mallaret a jeté l'éponge. Alors 5e des monocoques, il a fait demi-tour avant-hier, vers Brest. «Si je perds la quille, le bateau va au fond. Je ne veux pas continuer. Je ne veux pas risquer ma vie», a conclu le navigateur. Madame Mallaret est nerveuse et monsieur est silencieux. Halvard Mabire, à bord du paquebot pour éclairer les passagers (1) sur la navigation hauturière, a connu semblable fortune de mer dans la dernière édition du Rhum. Mabire est un marin de grande carrure qui connaît tant de choses et pourtant son érudition n'est jamais livresque. Il dégage le paysage dans lequel se débat le fils du couple Mallaret. Mabi