A bord du «Princesse Danaé», envoyé spécial
Un livre ne suffirait pas à contenir toutes les histoires d'Anne-Lise Meyer. Mademoiselle Meyer est responsable de la boutique à bord du paquebot. C'est un observatoire idéal de 25 m2 avec vue sur les couloirs moquettés. Elle règne sur le pont 4 et personne à bord ne songe à lui disputer son royaume de bibelots et d'ours en peluche. C'est un étrange bazar «où l'on parle toutes les langues», explique-t-elle. Toutes les devises sont les bienvenues. Elle a connu des chanteurs dont le nom n'a jamais franchi les océans et des littérateurs sans éditeur. Elle ne sait plus combien exactement, «car c'est la seule comptabilité» qu'elle ne tienne pas à jour.
Anne-Lise Meyer a une petite quarantaine. C'est une belle et forte femme blonde qui ne s'en laisse pas compter. Elle a une autorité naturelle sur les hommes, qu'ils soient officiers de marine ou simples serveurs. Elle s'habille d'étoffes vives, porte de lourds colliers qui épuiseraient un éléphant. Elle ne quitte son comptoir qu'à la nuit tombée, à l'heure où la soif fait sortir les officiers supérieurs de la passerelle. Ainsi, elle tient dans sa main, avant tout le monde, toutes les nouvelles du jour. Les petites et les grandes. La Route du rhum, il faut le dire, l'intéresse assez peu.
Anne-Lise sait tout" Anne-Lise Meyer, qui court les mers du globe sur un navire de 17 000 tonnes en vendant des paquebots gonflables, n'échangerait sa vie pour rien au monde. Car elle a goûté à tous les plats