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Portrait

Gustavo, loin du ciel et des siensIl est cabinier pour l'argent et se languit du Honduras.

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publié le 20 novembre 1998 à 14h46

A bord du «Princesse Danaë»

Envoyé spécial Personne ne connaît l'histoire de Gustavo, le cabinier hondurien du pont 3. Qui d'ailleurs s'en inquiéterait? Les passagers croisent rarement ceux qui s'activent sous leurs pas à la lumière blanche des néons. Il y a dans chaque cabine un carton de couleur verte qui, une fois plié, fait comme une petite tente d'Indien. Gustavo a écrit son nom dessus d'une encre bleue. Il aussi inscrit le numéro où l'on peut le tirer du lit, si jamais madame se plaint du manque de souplesse du linge ou si monsieur exige sur-le-champ un oreiller supplémentaire. «Ça arrive parfois, dit-il, en plissant les yeux. Il y a des passagers exigeants.» Qui sont-ils? «Les Anglais surtout», fait Gustavo en pouffant et en agitant la main comme on fait quand on se brûle. On sonne, et il accourt. A l'ombre. Gustavo n'est plus un jeune homme. Il a 39 ans, une famille, et trotte du matin au soir. C'est un homme large d'épaules, aux yeux brillants et aux cheveux grisonnants. La coupe est courte, toute réglementaire. Les cabiniers sont habillés d'un gilet vert, la chemise se porte blanche, le pantalon est noir et les souliers sont de la même couleur. Gustavo est le seul Hondurien. A bord du Princesse Danaë, tous les cabiniers sont portugais. «C'est comme ça», dit-il. Gustavo passe ses journées dans les ponts inférieurs du bateau. Même au plus fort de l'embrasement du jour, on ne peut jamais se dispenser d'éclairer. Gustavo sort quand dorment les passagers. Il ne voit jam