Menu
Libération

Le carnet de bord d'Isabelle Autissier pour «Libération» (3). «Partir avec toute l'angoisse du monde».

Article réservé aux abonnés
publié le 6 février 1999 à 23h39

Ça fume d'énergie sur les pontons, pas seulement sur ceux d'Around

Alone. En face, il y a une dizaine de bateaux de la Coupe de l'America qui sortent tous les matins à 6 heures pour rentrer à 7 heures du soir. Au fond du port, le catamaran géant de Steve Fosset fait ses premiers essais pour The Race (1). Bref, Auckland est, en cette fin de millénaire, l'authentique capitale de la voile. Et tout ce petit monde papote, discute, compare, ça cause carbone high-tech, nouvelles fibres pour gréement et derniers développements électroniques. Il y a un mois, c'est un peu par politesse qu'on est venu nous accueillir. Ici, il n'y a pas de tradition de course en solitaire. On se méfie même naturellement de ces doux farfelus qui prétendent rivaliser avec un équipage entier de Whitbread (2) à eux seuls. Mais, dès que les premiers 60 pieds sont arrivés à fond la caisse dans la baie, propulsés par des gennakers d'une taille qui ne ferait pas honte à un équipage de douze gaillards, on a alors vu tous les gros pneumatiques des bateaux de l'America se précipiter à leur devant avec coup d'oeil appréciateur et les pontons se remplir de regards indiscrets et connaisseurs. Quelques jours plus tard, nous nous sommes tous retrouvés au sec pour les vérifications de carène, sur le terre-plein des Class America, bateaux bord à bord et équipages dans les même bars. Nous avons définitivement gagné notre examen de passage. Finalement, nous sommes bien de vrais marins et nos bateaux sont plutôt intéressant