Dévoilement à la dérobée. Sixième Sens, l'unique voilier français
construit pour l'édition 2000 de la Coupe de l'America, se laisse prudemment approcher. Le Class America est en voie d'achèvement au chantier Multiplast, au bord du golfe du Morbihan. Ouvriers qui s'ac-tivent, bruits de perceuses, poussière blanche qui volette. Les connaisseurs scrutent illico les formes du bateau pour percer la philosophie de l'engin. Ils repèrent les formes en U, les parois verticales, l'étroitesse générale, et ils en concluent: c'est un bateau de près, un bateau fait pour remonter au vent et prendre immédiatement l'avantage, quitte à peiner au retour avec le vent dans le dos.
Luc Gellusseau, le directeur technique, et Philippe Pallu de La Barrière, l'animateur de l'équipe architecturale, confirment à demi-mot, aiguillent malicieusement sur de fausses pistes, se lancent dans des extrapolations sur les options retenues par la dizaine de concurrents qui, tous, s'apprêtent à mettre leurs bateaux à l'eau d'ici à l'été. Sous la gouaille roublarde de Gellusseau comme sous la pertinence réfléchie de Pallu perce une réelle émotion. Ce bateau est la clé de voûte de leur jeune entreprise, qui s'est extirpée de la crise déclenchée par l'échec tonitruant de Pajot et compagnie en 1995. Dennis Conner, l'Américain quadruple vainqueur, confirme avec son aplomb habituel l'importance de l'option architecturale quand il déclare, dans l'Equipe: «Ou vous avez un bateau rapide, ou vous avez un bateau lent. Dans l