Béziers envoyé spécial
Il y avait Garbajosa, jeune homme moderne qui pleurait pendant la Marseillaise. Il y avait Califano, briscard au cou épais, qui s'est serré contre Benazzi pour lui dire des mots perdus et le colosse marocain qui l'a pris dans ses bras. Les quinze Français étaient seuls quand ils sont rentrés dans le stade de Béziers peuplé de juges sévères. Blessés, humiliés, maltraités toute une saison, ils n'avaient comme seule ressource pour les chaleurs de la fraternité que leurs adversaires en rouge avec une feuille d'érable sur le coeur, quinze Canadiens baraqués, prêts à leur passer sur le corps.
L'atmosphère était fine pour ce France-Canada, fine à oublier les mugissements du stade. Comme un huis clos où, lentement, les Français ont refermé leurs blessures d'amour-propre, avec les Canadiens en bons Samaritains. La générosité n'est pas chose univoque. Les Français avaient besoin d'engagement physique, les Canadiens en ont donné sans ménagement. Ils allaient droits, ballons sous le bras, lancés sur des rails et venaient se fracasser sur la défense française. La blessure s'est refermée d'abord là, dans cette fureur à cisailler les charges rouges. C'est une chose infernale. Plaquer, se replacer, parler, ne pas oublier ses repères, respecter l'organisation pour arriver à deux, stopper l'adversaire, le faire reculer, le retourner pour prendre la balle.
Un visage retrouvé. Il y a des fois où le sport n'est pas un spectacle. Ici, le match était une scène de la vie cour