«Un petit mois». Avant de partir pour sa première transatlantique en solitaire, le marin brestois voyait les choses ainsi: «Arriver de l'autre côté et ne pas casser.» C'est une ambition de peu de frais, mais qui l'a toutefois mis sur le flanc financièrement. Il a hypothéqué sa maison et retiré ce qui lui restait d'épargne pour acquérir un bateau d'occasion. Gérard Roger ne s'étend pas trop là-dessus, parce que c'est toujours embarrassant d'avouer qu'on est sans le sou. Puis il a mis bout à bout ses congés payés et regardé que, l'un dans l'autre, ça lui ferait «un petit mois».
Son patron, comme il dit, est un homme qui n'a pas fait le difficile, car au fond un transporteur routier qui embauche un professionnel de la mer au chômage se doute bien qu'un jour où l'autre son employé prendra le large. Gérard Roger est le coureur le plus âgé de cette course (50 ans) et voilà comment se construit une bonne histoire folklorique. Il répond simplement que «la Mini-Transat est pour un type comme moi un projet que l'on ne peut mener qu'une fois dans sa vie».
Il s'est senti parfois un peu vieux jeu avec tous ces jeunes marins qui rêvent de faire carrière Il en est revenu et explique modestement: «Je veux voir si je suis capable de traverser.» Il a été «licencié économique» de la base nautique qui l'employait. Il est devenu chauffeur routier «parce qu'il fallait bien manger». Gérard Roger a, l'an dernier, refusé «une promotion» qu'on lui proposait «au risque de se faire mal voir par le patron