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Libération
Portrait

Gérard Roger, la traversée du désir

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Voile. Les leaders de la Mini-Transat sont arrivés aux Canaries. Lui est encore loin.
publié le 6 octobre 1999 à 1h03
Un marin chauffeur routier de métier ne peut être regardé que comme une curiosité. Gérard Roger n'a jamais été dupe de l'intérêt que les journalistes lui portaient avant le départ. «Le routier brestois», comme il était écrit partout, a appareillé dimanche de Concarneau, une semaine après le premier départ et le coup de chien qui s'en suivit. Après une première nuit en mer, Gérard Roger se doutait bien que le vainqueur de l'épreuve serait proche de la terre. En effet, car Sébastien Magnen est arrivé hier matin à Lanzarote, terme de la première étape de la Mini-Transat pendant que Gérard Roger était pointé en dernière position de la flotte (lire encadré).

«Un petit mois». Avant de partir pour sa première transatlantique en solitaire, le marin brestois voyait les choses ainsi: «Arriver de l'autre côté et ne pas casser.» C'est une ambition de peu de frais, mais qui l'a toutefois mis sur le flanc financièrement. Il a hypothéqué sa maison et retiré ce qui lui restait d'épargne pour acquérir un bateau d'occasion. Gérard Roger ne s'étend pas trop là-dessus, parce que c'est toujours embarrassant d'avouer qu'on est sans le sou. Puis il a mis bout à bout ses congés payés et regardé que, l'un dans l'autre, ça lui ferait «un petit mois».

Son patron, comme il dit, est un homme qui n'a pas fait le difficile, car au fond un transporteur routier qui embauche un professionnel de la mer au chômage se doute bien qu'un jour où l'autre son employé prendra le large. Gérard Roger est le coureur le plus âgé de cette course (50 ans) et voilà comment se construit une bonne histoire folklorique. Il répond simplement que «la Mini-Transat est pour un type comme moi un projet que l'on ne peut mener qu'une fois dans sa vie».

Il s'est senti parfois un peu vieux jeu avec tous ces jeunes marins qui rêvent de faire carrière Il en est revenu et explique modestement: «Je veux voir si je suis capable de traverser.» Il a été «licencié économique» de la base nautique qui l'employait. Il est devenu chauffeur routier «parce qu'il fallait bien manger». Gérard Roger a, l'an dernier, refusé «une promotion» qu'on lui proposait «au risque de se faire mal voir par le patron