Pour comprendre l'acharnement d'Humar, il n'est pas inutile de
remonter dix ans en arrière, pour suivre une comète: Tomo Cesen, Slovène, 30 ans à l'époque. Cesen, en 1989, s'est déjà fait remarquer dans les Alpes par des ascensions solitaires audacieuses. Cette année-là, il réussit un coup qui l'installe comme le meilleur alpiniste de sa génération: il gravit en solitaire la face nord du Jannu, maintes fois tentée par de très fortes expéditions, jamais réussie. Mieux: il récidive l'année suivante et «résoud» ce que le maître de l'alpinisme des années 70 et 80, Reinhold Messner, a décrit comme le dernier problème de l'Himalaya, la face sud du Lhotse. La montagne était dans les nuages et Cesen, seul. Très vite, la rumeur se répand: le Slovène, là comme ailleurs, a menti. Jalousie de concurrents vexés, dit-on: en alpinisme, il n'y a souvent de preuve d'une ascension que la parole de l'intéressé et l'usage est, faute de preuve contraire, de le croire. Après tout, l'alpinisme n'est pas un sport, il ne vaut que par ce qu'on en raconte, et dans les récits de montagne, il s'agit toujours de faire reculer les limites de l'impossible" Donc on croit Tomo Cesen. Mais, les années passant, les détails s'accumulent: tel alpiniste est passé sur une arête soi-disant empreintée par Cesen, et n'a pas vu de traces. Tel angle de vue ne peut pas correspondre à celui du sommet, telle description technique est incohérente. Le doute gagne, Cesen se défend, convainc de moins en moins, se renferme