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Libération

VOILE. Récit d'un duel de la Coupe Louis-Vuitton vécu avec les Français. Au coeur du bouillon. L'avant-dernière série de régates s'est achevée samedi, en Nouvelle- Zélande. Reprise des duels au début du mois.

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publié le 22 novembre 1999 à 1h38

Auckland, à bord de «Sixième sens»

correspondance particulière.

«Quatre-vingt-treize mètres!» En équilibre sur ses jambes en dépit de la forte gîte, pistolet laser à la main, Franck Citeau hurle: «97 mètres!» Là, derrière, à la distance exacte annoncée, l'étrave de Nippon laboure l'eau verte. Un peu moins gîté que Sixième Sens, il commence enfin à ralentir. Dans la baie d'Hauraki, à Auckland, où se déroulent les régates entre challengers de la Coupe de l'America, le bateau français vient de virer au vent de son adversaire, la bouée n'est plus qu'à quelques longueurs. «108 mètres.» C'est bon. Vas-y mon gars, respire le bon air de notre fumée. «116 mètres.» Bertrand Pacé, le barreur français, semble en lévitation. Il est presque sur la pointe des pieds, le corps complètement plié en deux comme s'il voulait épouser la forme circulaire de sa barre, la tête désarticulée sur le côté. Ses doigts effleurent à peine le titane de la roue. Fascinant, tant de concentration: il est dans un autre monde.

Devant, dans le cockpit, sur la plage avant, ça bouillonne. Ils sont quatorze à préparer l'envoi du spinnaker. De l'arrière du bateau, on ne voit que des bras bleus qui s'agitent, des épaules oranges qui moulinent, des corps qui se déplacent en souplesse à la vitesse de l'éclair. Les visages sont tendus, concentrés, excités presque. Le langage est incompréhensible: beaucoup de chiffres et de termes techniques ésotériques. «127 mètres.» «Nippon» déjà derrière. Là, les équipiers japonais dégu