Hier matin, dès 8 heures, Général du Pommeau, favori du prix
d'Amérique qui doit se disputer dans l'après-midi, hante les allées des écuries de l'hippodrome de Vincennes. Avec Jules Lepennetier au volant du camion, son entraîneur-driver, il est parti depuis quatre heures de son fief, près du Mont-Saint-Michel. Richard de Gieter, employé des Hippodromes parisiens, peaufine son tableau d'attributions des box. Belle écriture, crayeuse, bleu-blanc-rouge. On lui fait remarquer que ce choix tricolore n'est pas sympa pour les coursiers suédois, ou pour l'italien. Il suspend sa craie et dit: «Tiens, regarde-le notre frenchy.» Le jeune trotteur se dresse droit sous les pins et boxe l'air de ses antérieurs. «Il pète le feu, constate Richard, il va les bouffer, même l'italien.» Varenne, dit Il Capitano, est le phénomène transalpin. Ce grand bai au chanfrein plat et aux joues étroites est invaincu cette année. Des milliers de tifosi, casquettes bleues signées d'un «Il Capitano» argenté, envahissent le champ de courses, tous persuadés d'être supporters du cheval du IIIe millénaire. Deux heures et demie avant le départ, le ballet des «heats» débute. C'est l'instant où les cadors du trotting tâtent le mâchefer de la piste. On se jauge, on enroule les battues, on s'époumone un brin.
Des tribunes, les encouragements vont à Remington Crown, prix de beauté du peloton, à la suédoise Fridhems Ambra qui porte un ruban doré noué dans ses crins et dont l'entraîneur, conducteur de trains dans son p