Six ans après son naufrage dans le Boc Challenge, course autour du
monde en solitaire et avec escales, la navigatrice Isabelle Autissier est revenue sur les lieux de sa fortune de mer. Cette fois, elle a posé sac à terre. Pour un périple privilégié sur l'île principale de l'archipel Kerguelen qu'elle a atteinte depuis l'île de la Réunion à bord du «Marion Dufresne», navire ravitailleur des terres australes.
Il fait noir et gris, ce 14 novembre 1999 à 5 heures, par 50° Sud. La terre a surgi cette nuit après des jours de vide. Il faut s'arracher au Marion Dufresne avec ce mélange d'excitation et d'inquiétude d'une histoire qui commence. Les deux monstrueux piliers, restes de l'arche écroulée des Kerguelen, montent la garde au coin de la Baie de l'oiseau. Ah, comme j'aurais voulu être là, en 1913, quand le gigantesque tablier s'est écroulé. Entendre ce fracas, sentir trembler la terre, voir la vague du choc déferler sur la plage. Ce matin, ces deux grands bras tristes nous donnent notre première leçon: ici, rien n'échappe à la force conjuguée du vent, de la pluie et de la mer. Le pilote de l'hélico nous offre un petit aperçu de notre royaume: un cirque de falaises de basalte, un lac blanchi d'écume, une grève déserte. Quelques embrassades hâtives: «Henri, on compte sur toi dans un mois. On t'attendra à Val travers entre le 10 et le 12! Disker (1), ne t'inquiète pas, on sera prudents, on rêve déjà du réveillon.» L'hélico nous effleure les cheveux en dernier au revoir. Le Mar