Menu
Libération
Interview

Rame. Entretien avec Jo Le Guen qui tente de rallier le cap Horn depuis la Nouvelle-Zélande. «J'éponge, je me cramponne».

Article réservé aux abonnés
publié le 27 mars 2000 à 23h15

Le son est parfait. Voix un peu ensommeillée, qui s'anime à mesure.

Phrasé de conteur, échappées métaphysiques, révolte d'esseulé puis retour au gros bon sens du laboureur des océans, pas du genre à se laisser faire. Jo Le Guen en est à son 50e jour de mer. Il tente de rallier le cap Horn à la rame depuis la Nouvelle-Zélande, un exploit sans précédent. Il a accompli un quart de ce trajet bouillonnant de risques. Là, sur son petit canot de 9 mètres de long, il flirte avec les «50es hurlants» et attend des vents plus favorables pour descendre vers le cap des tempêtes. Pour l'instant, son téléphone par satellite fonctionne. Mais, il ne sait trop pour combien de temps encore. Bribes de conversation avant qu'Iridium, l'opérateur, se mette aux abonnés absents.

Coup de vent. «Ici, ça respire. Le vent moyen, c'est 30-35 noeuds. Quand ça mollit, il reste toujours 20 noeuds. Cela fait des semaines que je n'ai pas eu moins. Je rame jusqu'à 35 noeuds, ensuite je rentre dans ma petite cabine. Je viens de me prendre 55 noeuds pendant trente-six heures. En attendant que ça passe, j'éponge, je me cramponne, je sommeille. Tu dors par tranches de quinze-vingt minutes, tu sais plus où tu en es et puis tu émerges en sursaut. Les vagues qui cognent contre la cabine te font l'effet de claques dans la gueule. Alors, tu t'allonges et tu essaies de suivre les conseils de Mike Birch ou d'Eric Tabarly, qui disaient que dans un coup de vent la meilleure chose à faire, c'était d'essayer de dormir. Facil