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Libération
TRIBUNE

Football, la coke du peuple.

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Il est atterrant de voir que l'unanimisme sportif permet d'assener des certitudes grotesques avec l'aplomb euphorique de celui qui a quelques rails dans le pif.
publié le 6 juillet 2000 à 2h51

"Réconciliation du pays avec lui-même", "communion", "fin du poulidorisme", "culture de la gagne"... Il paraît que le triomphe des footballeurs français marque un immense tournant progressiste et cependant quels discours à tonalité réactionnaire il a suscités! Fignolée par le renard mitterrandien, l'inversion des symboles et des mots à laquelle la social-démocratie européenne - et notamment française - s'emploie depuis longtemps est parvenue, en effet, à son apogée. Et ceux-là mêmes qui encouragent le protectionnisme étatique le plus rétrograde, le syndicalisme le plus obtus, retrouvent des accents patriotards pour célébrer... quoi? Que des joueurs surpayés, hommes-sandwichs des multinationales, aient casé deux fois un ballon rond dans des filets. Et, comme avant, les tenants du vrai pouvoir, ceux qui amassent la plus-value produite par d'autres prouvent qu'ils sont parfois comme les humbles forçats modernes: ils aiment le foot, voyez-vous?

Alors, ils viennent sur les gradins, ils beuglent des encouragements, ils iraient même casser quelques bagnoles s'ils n'avaient pas peur que leur zèle finisse par se retourner contre leurs berlines de luxe. Ils "communient" avec la piétaille, de même qu'autrefois les seigneurs condescendaient à illuminer la messe de leur glorieuse présence. Substitut de la religion, le sport est en effet plus encore "l'opium du peuple": il n'endort pas, mais produit une soudaine, une délectable excitation. Tout d'un coup, "on est les plus forts". On a la p