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Libération

Ligne de bars

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publié le 18 septembre 2000 à 4h25

Les Australiens sont des blagueurs. Inutile de leur tendre une perche, ils saisiraient une brindille. Ils mordent à tous les hameçons et celui-là se balance au bout d'une si jolie ligne. Bleue, elle avance dans la ville. Droite, elle enjambe la rade, traçant une arête dans la dorsale d'acier du pont de Sydney. Longue, elle mesure 42 kilomètres et 195 mètres. Enfin, presque, car certaines nuits, la ligne du marathon prend du galon. A la peinture noire, ils effacent une portion du tracé officiel de cette course dont l'épreuve doit clore les Jeux olympiques et dessinent un autre parcours, beaucoup plus flâneur. Souvent, la ligne bleue entre dans un pub puis en ressort. Car ils ne veulent pas égarer les athlètes, seulement leur permettre de se désaltérer... Les « ils » sont pour l'instant toujours anonymes. Aussi discrets que l'était Arthur Stace qui, durant trente ans, décora les trottoirs de Sydney du mot Eternity. Un alcoolique repenti qui traversait les petits matins avec des craies jaunes dans les poches et s'agenouillait pour écrire un même message. A la réclamer ainsi, peut-être l'a-t-il gagnée cette éternité dont il a inscrit le nom plus de 500 000 fois. Le soir de la cérémonie d'ouverture des Jeux, «Eternity», illuminée de mille feux, a brillé dans le ciel du stade. Et les Australiens ont souri à cet hommage qu'ils étaient les seuls à pouvoir comprendre.

Romantiques, bien qu'ils s'en défendent, les Australiens sont enclins aux extravagances. Ils aiment culbuter l'ordre d