Sydney envoyé spécial
Lorsque Cathy Freeman prendra aujourd'hui le départ du 400 mètres (1), ce n'est pas seulement une course que la fine athlète noire va disputer. Quand elle s'accroupira dans les starting-blocks, elle portera sur ses frêles épaules un poids que peu d'athlètes, dans l'histoire, ont dû charger. Elle ne va pas courir pour elle. Ni pour son maillot vert et jaune. La jeune femme, à l'entendre, se suffirait de tels défis. Mais l'Australie a effectué un intense transfert, pas forcément inconscient, sur Cathy Freeman. A son corps défendant, ce sera une course contre le temps. Une course détournée par l'Australie pour évacuer en une cinquantaine de secondes deux siècles de mauvaise conscience. Une rédemption.
Comme athlète, Freeman, âgée de 27 ans, n'est pas exceptionnelle. Une excellente coureuse, courageuse, motivée, au mental de fer, au physique un peu fragile pour ses ambitions. Son palmarès est à son niveau: deux titres de championne du monde, une médaille d'argent à Atlanta, derrière sa rivale adorée, la Française Marie-José Pérec. Des coureuses australiennes ont déjà fait mieux, y compris sur 400 m. Et pourtant, Cathy Freeman est reine en son pays. La reine noire. Depuis qu'elle a brandi, aux jeux du Commonwealth en 1994, le drapeau rouge noir et jaune des aborigènes avec la bannière australienne, la jeune femme est devenue une obsession nationale. Ses sourires, ses regards, ses silences, ses déclarations, ses performances, sont relatés, disséqués, jour après