Sydney envoyé spécial
Jonathan Edwards est une énigme pour lui-même. Le 7 août 1995, aux championnats du monde de Göteborg, il saute 18,19 m au premier essai, 18,29 m au deuxième, devenant le premier triple sauteur au-dessus de 18 mètres. En trois semaines, il venait d'améliorer son record personnel de 30 centimètres. Comment? Il se le demande toujours. Suivent 22 victoires dans des meetings, et il arrive en conquérant à Atlanta. Mais le fils de pasteur qui, au début de sa carrière, refusait de sauter le dimanche (il a ainsi raté les championnats du monde 1991) repart des Etats-Unis avec l'argent, une claque.
Pendant quatre ans, il n'arrive pas à accrocher la plus haute marche. Se met à douter. Devient hanté par ses sauts au-dessus de 18 mètres, impossibles à réitérer, lui qui a réalisé les quatre meilleures performances de l'histoire.
Puis arrive Sydney. Hier, Edwards retombe à 17,71 m à son troisième essai. 17 cm de moins qu'à Atlanta, et dans la douleur: «Faire 18,29 m, c'était plus facile. Là, je ne me sentais pas bien, pas fluide. J'ai prié comme un fou.» Cela a suffi: personne ne réalisera mieux. Alors, l'homme aux cheveux grisonnants fait lentement le tour du stade, pieds nus, tranquille, détaché. Dans l'indifférence quasi générale, il savoure ce qu'il considère, à 34 ans, comme «une récompense». «C'est presque trop, dit-il. J'ai eu tant de déceptions... Depuis 1995, la Grande-Bretagne me donnait "grand espoir" de médaille partout, et je n'y arrivais jamais. Maintenant,