Autrefois, les champions écrivaient «la légende du sport». Désormais, ils «entrent dans l'Histoire». Le qualificatif a envahi les commentaires de toutes les chaînes et de tous les sports. «Historique», la finale du 4 x 100 m nage libre où deux records du monde ont été battus en une seule course. «Historiques», les victoires de Haile Gebreselassie et de Michael Johnson conservant leur titre olympique sur 10 000 et 400 m. «Historiques», la deuxième victoire de David Douillet en judo et la cinquième du Britannique Steve Redgrave en aviron. «Historiques» aussi des succès de moindre envergure mais remportés par des Français. On voit bien ce que ce glissement sémantique doit au nouveau rôle du sport dans la société. C'est pour cela aussi qu'on se doit maintenant de combattre le dopage, qui gênait moins naguère : aujourd'hui que le sport est plus une industrie qu'un spectacle, la démocratie réclame que les champions soient à armes égales (de nos jours, les triomphantes athlètes archidopées de l'ancienne RDA qui raflaient tout se verraient opposer une loi antitrust). Dans ce contexte politique, la plus historique des victoires historiques est celle de Cathy Freeman. Tous les journalistes présents à Sydney se sont émus du sort des Aborigènes que la coureuse en est venue à symboliser. Elle n'est pas juste championne olympique, «elle est beaucoup plus que cela». Pour un peu, on louerait la générosité de Marie-José Pérec qui n'a pas gâché la fête en remportant la course. Bernard Chenez
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