«Les Russes sont arrivés comme des barbares. J'étais venu leur parler, mais ils n'ont pas voulu m'écouter.» Dans la nuit du 20 au 21 août 1968, les chars russes et bulgares déferlent sur la Tchécoslovaquie pour écraser le Printemps de Prague, mouvement réformateur conduit par Alexandre Dubcek. Le coureur de fond tchèque Emil Zatopek, triple champion olympique aux Jeux d'Helsinki de 1952 (10 000 m, 5 000 m et marathon) qui s'est éteint mardi soir à l'hôpital militaire de Prague-Stresovice à l'âge de 78 ans, accourt à Wenceslaus Square, dans le centre de la capitale. Il est vêtu de son uniforme de colonel de l'armée. «Je me suis adressé aux tankistes soviétiques, se rappelait-il récemment. Pour parlementer. Pour les inviter à rentrer chez eux. Pour qu'ils m'expliquent les raisons de cette agression.»
Sportif héros national. La foule réunie en pleine nuit pour défendre ses aspirations démocratiques contre l'orthodoxie communiste scande le nom du sportif héros national. Un officier russe, impressionné par le discours de la «locomotive tchèque», ordonne à deux chars de faire demi-tour. Puis serre la main de Zatopek et s'éloigne en haussant les épaules. Mais la chape de plomb de la «normalisation», les jours suivants, n'épargne personne. Les médecins dissidents deviennent laveurs de vitres, les scientifiques révoltés courent après un emploi de chauffeur d'autobus, seuls les travaux manuels sont ouverts aux intellectuels.
A 45 ans, Emil Zatopek est radié de l'armée, exclu du Parti co