Jusqu'en 1995, l'année où l'Afrique du Sud a gagné la Coupe du monde, le rugby était plus que le sport des Blancs: un véritable étendard, l'affirmation d'une identité. Il y a six ans, dans la toute «nouvelle» Afrique du Sud, la joie a explosé partout après la victoire, dans les quartiers blancs comme dans les townships noires. Mais l'enthousiasme des «non-Blancs» pour le rugby est vite retombé. Et ce, malgré la politique «d'affirmative action» (promotion des Noirs) mise en place par la Fédération sud-africaine de rugby (Sarfu). Cette instance, qui fut l'un des bastions du conservatisme afrikaner, n'hésite pas aujourd'hui à menacer de sanctions les équipes les plus réticentes à procéder à un recrutement multiracial. Dans les provinces du Cap oriental et occidental, au sud du pays, le rugby a toujours été populaire dans les communautés métisses, imprégnées de culture afrikaner, et dans une moindre mesure chez les Noirs. Ce n'est pas un hasard si les premiers joueurs de couleur des Springboks, Wayne Julies et Kaya Molatana, viennent de ces régions.
Dans le Nord, en revanche, le racisme des Blancs joue autant que la préférence très marquée des Noirs pour le foot. Il y a deux ans, deux provinces participant à la Currie Cup, la compétition majeure du rugby sud-africain, ont été menacées d'exclusion, faute de s'être pliées aux nouveaux quotas de joueurs noirs. L'avertissement a payé. Partout, de jeunes talents noirs sont désormais recherchés, même s'ils restent ultraminoritaires au