Je ne suis pas une «fille de Tabarly». Je suis entrée dans la course au large à l'heure où les ordinateurs et les finasseries de météo avaient remplacé les empoignades viriles avec les mètres carrés de toile, dont j'aurais, sûrement, été incapable. Je n'ai jamais couru avec, ni contre «le maître», que je n'ai croisé qu'en de rares occasions. J'ai plutôt tendance à me méfier des personnages mythiques, encensés à l'infini par des médias en mal de papier glacé. Mais, en dehors de son côté incontournable de père fondateur de la course au large française, le personnage d'Eric Tabarly m'a toujours intriguée. Ce n'est pas tant la célébrité qu'il acquiert en 1967, en une seule course, que la pérennité de celle-ci, envers et contre tout.
On peut comprendre comment Tabarly, sans le vouloir, a pu incarner «la France triomphante» des années 60 ; comment la revanche sur «l'Anglais» a fait exulter journaux et ministères ; comment le terrain patiemment préparé de la démocratisation de la voile par des écoles comme les Glénans ou des constructeurs comme Dufour, Jeanneau ou Bénéteau a pu trouver son porte-drapeau. Bref, comment est née la légende.
La suite est plus mystérieuse. Le marin d'aujourd'hui qui accumulerait autant de casses et de déboires ou une impréparation aussi chronique de ses bateaux, qui gérerait si médiocrement ses budgets comme son image publique, qui proférerait autant de jugements à l'emporte-pièce ; ce marin-là disparaîtrait rapidement du paysage nautique.
Errements. Quels