Nîmes envoyé spécial
Pour l'année du patrimoine, corrida proto-historique à Nîmes le vendredi dernier. El Cordobés, 66 ans, et Ojeda, 47, dans un mano a mano de la réminiscence dont on peut craindre le pire : des toros ridicules, les clowneries d'El Cordobés, la pathétique usure d'Ojeda. Rien de tout cela. Vendredi matin, les toros de Juan Pedro Domecq sont correctement présentés, nobles et vifs. En piste, deux vrais toreros, pas des icônes sur le retour. Ils ne sont pas là pour commémorer. El Cordobés oublie sa propension à se transformer en animateur de fin de banquet et torée ses trois toros avec une gaieté sérieuse. Il cite non pas de profil mais de trois quarts, torée de la gauche le plus souvent et se paye, à la fin de son troisième combat, le luxe d'un vieux desplante du temps de sa splendeur : à genou, muleta jetée au diable vauvert et harangue au toro. «Torero, torero, torero !», la clameur de Nîmes lui injecte sa vitamine. Il fait des vueltas, il embrasse le sable, s'y agenouille, s'y allonge, repart dans la contre-piste, revient sous l'ovation, il ne veut pas quitter la scène. Nîmes ne veut pas le laisser partir. Et le torero Denis Loré, dans la contre-piste, en a les larmes aux yeux.
Fraicheur. Et Ojeda ? Tel qu'il fut, tel il est. La vieille magie est de retour. Pas un poil de graisse, le vibrant «Presumido» sort comme une fusée et lui se plante sur ses grosses jambes et n'en bouge plus. «Presumido» s'enroule autour de ce caillou d'où coule et d'où va couler penda