La bouteille de mousseux est restée bouchée, et le jeune supporter, drapeau rouge autour du cou, abasourdi sur son siège, a bien du mal à s'en remettre. Le match Chine-Costa Rica vient de se conclure, et les rêves chinois les plus fous se sont envolés. Dès le deuxième but costaricain, certains fans n'ont pas voulu en voir plus : les larmes aux yeux, ils ont quitté précipitamment la salle du restaurant pour fuir l'écran de télévision.
Tout était prêt pour un grand jour, pourtant, au restaurant des Mille Bonheurs, à l'ouest de Pékin, haut lieu du football chinois, siège du fan club de la capitale et rendez-vous des aficionados. D'énormes portraits de Zidane et de l'équipe chinoise en devanture, tous les serveurs en maillot du onze national, logo Adidas et drapeau rouge. Y compris une ambiance de stade des grands jours, mauvaise foi incluse à chaque arbitrage négatif pour la Chine... Tout ça pour terminer par un 2-0 que les réalistes estiment mérité, mais qui, pour la plupart, est une cruelle désillusion (lire aussi page 31).
Wang Zanjun, le rondouillard et moustachu propriétaire du restaurant, également président du fan club de Pékin, fait partie des réalistes : «Je peux accepter ce score, ils se sont battus. Les médias avaient trop fait rêver à l'impossible. Les vrais supporters savaient qu'il y avait trop d'écart entre l'équipe chinoise et les autres.» Il montre l'effigie de Zidane et commente : «Tous les joueurs chinois réunis ne parviennent pas à égaler le prix de celui-ci.»