Le Caire de notre correspondant
Adossé à une montagne de tomates, coincé entre deux cageots de citrons verts et de mangues, Mohamed rigole un bon coup. «Ah, les Français, sans Zidane, y a plus personne !» Depuis sa petite boutique poussiéreuse du centre du Caire, Mohamed vit à l'heure coréo-japonaise. Posé sur une table branlante, à côté de la balance, son vieux téléviseur noir et blanc pourrait laisser croire qu'il neige à Séoul ou à Sapporo. Peu importe. Mais même s'il ne rate pas un match, cette année, Mohamed n'a pas vraiment le coeur au Mondial. La qualification du Sénégal a en effet privé les Pharaons de compétition.
Malgré tout, dans une Egypte au bord du suicide économique, au quotidien difficile, assombri par le tout proche conflit israélo-palestinien, le foot reste une valeur sûre : pas de magasin qui n'ait sa télé branchée, pas de taxi sans sa radio à fond. Décalage horaire oblige, les employés égyptiens doivent louvoyer pour suivre les matchs en matinée. Devant la subite inflation des certificats de maladie et des absences inexpliquées, le gouvernement a annoncé des mesures fermes pour s'assurer de la présence des fonctionnaires pendant la diffusion des matchs.
Les radios ont ainsi fait leur apparition dans les tiroirs des bureaux, les téléphones portables bipent à chaque but, les pronostics vont bon train. Quand le ciel s'éteint sur Le Caire, que se mettent à briller les lumières des cafés et des minarets, tous se retrouvent devant un narguilé et commentent passion