Lisbonne envoyé spécial
«Regardez ces deux photos, vous comprendrez tout de suite !», s'exclame João Malheiro, le pétulant chef de communication du Benfica Lisbonne, le club le plus prestigieux du Portugal. Sur un mur proche de la salle des trophées, un cliché immortalise la sélection nationale du Mondial 1966, qui termina troisième. Cette équipe devenue mythique était constellée de joueurs africains : Eusebio, Coluna, Hilario, Vicente (Mozambique), Santana, Aguas, Pereira (Angola). Sur l'autre photo, des joueurs de ce Mondial; seuls Abel Xavier et Jorge Andrade sont d'origine africaine. «Le Portugal a vécu un drame silencieux, s'enrage João Malheiro. Il a perdu ses perles noires. On ne s'en est jamais vraiment remis.»
L'icône Eusebio. Un an après la révolution des oeillets en 1974, l'Angola, le Mozambique, le Cap-Vert et la Guinée-Bissau arrachent leur indépendance. Entre Lisbonne et ses anciennes possessions, les relations cessent brutalement. Le niveau du foot portugais s'écroule. Il ne reste que le souvenir d'une époque glorieuse, incarnée par la figure d'Eusebio, icône nationale. Métis de père angolais et de mère mozambicaine, il a sa statue à l'entrée du stade de la Luz, celui du Benfica, club avec lequel il a remporté deux Coupes d'Europe. Ironie mordante : à l'époque, la dictature de Salazar avait décrété la star «patrimoine national» et lui avait interdit, en 1972, d'aller jouer en Italie.
Aujourd'hui, l'Afrique lusophone frappe à nouveau à la porte. Au Boavista Porto