Dakar envoyée spéciale
Quand le ballon coréen s'est engouffré dans les buts sénégalais, Marie a hurlé : «Merde !», et elle s'est écroulée derrière le comptoir. Bustier et minijupe vert-jaune-rouge, foulard et sandales assortis, la serveuse du Sénégalou est restée à terre, prostrée. A l'autre bout du bar, son collègue Aïcha écrase une larme et ravale sa salive. «C'est très dur, mais ce n'est rien, c'est le foot, des fois on gagne, des fois on perd.» Puis, Marie s'est relevée, murée dans le silence. Le gérant tente un trait d'humour : «Tu vas pas prendre le deuil quand même.» Tombée de trop haut, Marie n'a «même pas envie de parler.»
Mérite. Dans les rues du centre-ville, il y a ceux qui ne s'en remettent pas. Chacun y va de son commentaire sur le «but volé», la fatigue des Gaïndés [Lions, en wolof] et «le problème du coach qui n'a pas fait de changement de joueur». A la fin du match, Youssef, «Sénégalais blanc», est sorti avec son cyclomoteur, mais le coeur n'y était pas. «Je suis sidéré, c'est une énorme déception, on y a cru, on pouvait aller plus loin.» Sur la place de l'Indépendance quasiment vide, un supporter déboule en scooter, fanions au vent, les joues baignées de larmes. Direction le palais présidentiel, où le président Abdoulaye Wade, rentré la veille d'un voyage officiel pour assister à la rencontre, va remonter le moral des troupes. Des petits groupes d'irréductibles passent, bras levés, drapeaux tricolores en capes, foulards sur la tête, presque timides, mais déte