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Libération

C'est l'été à Kyoto, qu'importe le foot...

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par Jean-Philippe TOUSSAINT
publié le 24 juin 2002 à 0h03

J'ai connu des stades combles et des cafés déserts. J'ai vu des matchs dans des bouis-bouis à nouilles aux murs décorés de photos pléonastiques des plats qu'on mange, avec, en haut, dans un coin, un petit téléviseur carré sur une étagère, qui diffuse le match du jour et m'a fait revenir en mémoire un petit téléviseur comparable, neigeux et brouillé, d'un café de Sienne, en Italie, où j'ai suivi la finale de la Coupe du monde entre les Pays-Bas et l'Argentine en 1978. J'ai suivi, tard le soir, des matchs dans des cafés branchés de Shibuya ou d'Omote Sando, aux murs nus et rougeoyants, où l'on ne sait plus très bien si l'on se trouve dans un café ou dans une galerie d'art contemporain, devant l'écran géant où s'agitent muettement des joueurs de football de quatre mètres de haut, aux allures de silhouettes chiffonnées de Bacon, sur fond de musique produite par l'atelier «l'Appareil photo» de mon ami Schoichi Kajino. Les consommateurs, non plus, ne savent pas très bien où ils se trouvent, plutôt indifférents au match, avant que quelques cris déchirants lors des prolongations ne les sortent de leur torpeur et qu'ils se tordent le cou pour regarder avec scepticisme l'écran géant derrière eux.

J'ai vu un match décisif de l'équipe du Japon dans un amphithéâtre bondé de l'université Meiji Gakuin, les tables et les chaises rangées contre les murs, étudiants et professeurs assis par terre en tailleur, ou en amazone sur les tables, debout contre les murs et adossés aux portes, et j'ai vi