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Libération

Banderilles héros

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publié le 2 août 2002 à 0h34

Le péon Manolo Montoliú se plaçait à courte distance du toro, face à lui. Les bras légèrement écartés le long de la jambe, les banderilles tenues élégamment du bout des doigts, une dans chaque main, il bombait discrètement le torse et partait au pas vers le toro. Il attendait que le toro démarre. Il lui donnait l'avantage. En accélérant sans vraiment courir, il gagnait la tête du toro, levait haut ses bras et entre les cornes, en marquant bien les temps, plantait ses deux banderilles réunies sur une pièce de 5 pesetas. Puis, au pas de la promenade, il s'éloignait avec beaucoup de majesté de ce rendez-vous qu'il donnait aux toros. Le 1er mai 1992 à Séville, le rendez-vous tourne mal. Le toro Cubatisto l'attrape en l'air et le tue. On a alors vu la fermeté fringante de Montoliú se recroqueviller d'un coup, comme une sculpture en papier, froissé brutalement par une terrible et invisible main de fer.

Manolo Montoliú était un pléonasme. C'était un grand banderillero et il était de Valencia. Valencia, où vient de s'achever une des plus vieilles ferias d'Espagne (plus de 140 ans), celle de San Jaime, a beaucoup apporté à la corrida. Elle est la patrie de la tauromachie comique et de Tancredo Lopez, le maçon qui faisait l'homme-statue devant les toros. Elle a vu apparaître en 1942, pour les adieux de Lalanda, le premier cas connu d'épointage frauduleux des cornes. Elle est surtout la source toujours vivace des grands péons banderilleros, de Felipe Arago Lozano (Minuto), qui toréait à