Hagetmau (Landes)
envoyé spécial
D'une certaine façon, la vie de Eva Bianchini s'est arrêtée en 1992, lorsque celle de Eva Florencia, qui toréait pour la première fois en France mardi, à Hagetmau, a commencé. Elle s'est arrêtée d'un coup, le temps d'ouvrir une revue de mode. Dedans, une photo de tauromachie. On y voit un torero, Manzanares, faisant une passe de poitrine à Nîmes. Mais Eva Bianchini ne sait pas ce qu'est une passe de poitrine, ni ce qu'est un torero, ni en quoi consiste ce qu'elle voit là, dans sa maison de Florence, Italie. Eva Bianchini, 14 ans, a ouvert le journal, et Eva Florencia l'a refermé. Dans le froissement du papier et malgré la répugnance pour le sang sur le dos du toro, la photo l'a engloutie comme le terrier du lapin blanc poursuivi par Alice. Sauf que pour Eva, le pays des merveilles, c'est désormais l'Espagne, les toros, les toreros.
Dans la foulée, elle se jette sur Fiesta d'Hemingway, achète un dictionnaire de poche italien-espagnol, se rue sur tout ce qui parle d'Espagne et déchiffre les comptes-rendus de corrida dans ABC et El Pais. Son père, représentant de commerce, et sa mère, professeur de langues, tous deux défenseurs des animaux, prennent mal l'étrange passion de leur fille cadette. En 1994, elle les convainc de partir en vacances en Espagne. Elle découvre Séville, dont elle était «amoureuse» à distance : «J'ai vérifié que ce dont je rêvais existait. J'y ai vu des gens qui croyaient en ce que je croyais : les toros.»
Fugue. Sur le chemin