L'Anglais, on le sait, n'est pas exempt de défauts. Mais en rugby, il n'a qu'une parole. Dès dimanche dernier, agacé par les démonstrations de joie excessives des vainqueurs marseillais, Martin Johnson, deuxième ligne et capitaine du quinze de la Rose, resté dans les tribunes du Stade Vélodrome, l'annonçait : «Samedi soir, ce sera une autre paire de manches. Nous allons non seulement battre les Français mais avec un écart de points tel qu'ils n'oublieront pas de sitôt.» Prédiction portée au crédit d'une légitime contrariété et perçue ici, avec amusement, comme un relent nostalgique de l'époque où le rugby anglais s'identifiait à l'arrogance des Carling Boys, vice-champions du monde 1991.
C'est donc gaillardement que l'équipe de France bis (treize changements) alignée à Twickenham a entamé ce dernier match de préparation au mondial australien (ne reste plus qu'une rencontre, anecdotique, contre les Barbarians le 22 à Narbonne), froissée d'avoir dû subir une exécution chaplinesque de la Marseillaise, après une version ska de Swing Low Sweet Chariot interprétée par UB 40.
«Humiliant». Pendant cinq minutes, même, on a eu le sentiment que les Bleus allaient tout balayer. «Nous avons douté, avouera ensuite Martin Johnson. La pression psychologique était énorme depuis une dizaine de jours.» Seulement, ainsi que l'analysera honnêtement Raphaël Ibanez, porteur du brassard français, «évoluer au haut niveau signifie ne rien lâcher pendant tout un match. Flamber cinq minutes est ridicule.