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Libération
Portrait

Le Pape noir, torero moderniste

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publié le 22 juillet 2004 à 1h31

Manuel Mejías Rapela est mort voilà quarante ans. Il toréait sous le nom de son village natal : Bienvenida, un bled d'Estrémadure. Il y était né le 12 février 1884, rue de la Corne. Comme quoi, hein ? Son père, banderillero de Frascuelo et Mazzantini, toréait déjà sous ce nom, Bienvenida, et c'est sous ce nom que ses propres fils ont toréé. Six fils, six toreros, dont Antonio, tué par une vache, José, décédé d'un infarctus à Lima, en 1968, après la pause d'une paire de banderilles et Rafael, 15 ans, assassiné. Déjà, Manuel Mejías avait eu un tout petit frère tué par une chèvre à l'âge de 2 ans. Il essayait de la toréer.

Mais Manuel Mejías Bienvenida, ancien élève du séminaire, sera encore plus connu sous le sobriquet de «Pape noir». C'est ainsi qu'il avait été baptisé sans modestie par le critique Don Modesto. Bienvenida était le «Pape noir» parce que Don Modesto avait bombardé Emilio Bomba «Bombita», «Pape de la tauromachie» et Machaquito, le «Cardinal». Pour remercier Don Modesto, le «Pape noir» voulut lui offrir un solitaire monté en platine. Refus outré du critique. Par contre, qu'il donne un bracelet à sa fille, d'accord. On était au début du XXe siècle et les rivaux du «Pape noir» s'appelaient «Petite Bombe» («Bombita»), «Petit Lapin» («Conejito»), «Tout Petit Lézard» («Lagartijillo Chico») et encore «Rafael le Coq» («Rafael el Gallo»).

Noir, le gamin Bienvenida ne l'était guère. Il était blond, avec des yeux bleus et des grands pieds. Son père était au désespoir. Son fi