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Libération

Surréalisme quotidien

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par Soti TRIANTAFILLOU
publié le 13 août 2004 à 1h45

Romancière, essayiste, traductrice et journaliste, Soti Triantafillou, 46 ans, livre sa vision d'Athénienne pendant la durée des Jeux olympiques.

Athènes, ville bruxellisée, ville chantier ; ville au visage tiers-mondiste, version extrême Europe du Sud, liftée par une chirurgie urbaniste version urgences. Ville olympique. Pendant sept ans, après ce pari imprudent (voire foufou), la Grèce s'est jetée tête baissée dans une aventure financière, diplomatique et psychologique qui a coûté cher en peines et sacrifices. On a souffert, et en plus, ça y est, on est fauchés. Et pourtant, tout est prêt ­ enfin, presque ­ pour l'invasion des barbares. D'habitude, les barbares, c'est nous. Aux yeux de l'Occident, Athènes c'est les Balkans : bourgade hypertrophiée, dénuée d'exotisme, polluée et bétonnée jusqu'à en éclater ; des tempêtes de pigeons ; des jets d'eau ; une culture de plage de type Los Angeles du pauvre ; des taxis jaunes délabrés. Et les taximans, cette caricature de la Grèce qui résiste vigoureusement à la modernité. Je me souviens d'une phrase de Chris Marker sur le tiers-monde : ils font ce qu'ils peuvent. Eh ben ! On fait ce qu'on peut. Et on est seuls sur terre ; notre solitude nous rend ultrapatriotiques ; nous sollicitons frénétiquement le respect ; toute conquête triviale (la Coupe d'Europe de football, une médaille olympique) déclenche le délire. Durant les mois précédant le «moment magique» de ce soir, les médias stigmatisaient notre indolence, notre inefficacité, ce