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Libération
Critique

Les flâneurs solitaires

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Modes: Exposition. Dans «Défilés» le photographe Franck Perrin rapproche les démarches des mannequins et des joggeurs.
publié le 8 octobre 2004 à 2h30

Joggers et mannequins ont en commun le sens de la trajectoire. Ils tracent des lignes, tournent en rond sans véritables mobiles, ni propos. Frank Perrin les présente face à face au moyen de tirages couleur et grand format où chacun apparaît perdu soit dans l'immensité d'un décor urbain, soit au coeur d'une foule, avec mise en scène, éclairages et décors, démesurés.

La réflexion qui sous-tend cette association improbable a démarré à Los Angeles. Frank Perrin observe «cette vaste métropole sans piéton, sans flâneur ni dérives possibles, avec ses coulées silencieuses d'automobiles». Dans ce contexte de désertification récente, il s'attache aux quelques joggers, et autres variantes à roulettes : «Ces petits bonshommes, tout en traçant des lignes, prennent soin d'eux, de leur forme de leur santé. Ils vont très loin dans le sens de la beauté, de l'effort, du rendement au travail.»

Parallèlement, le photographe, qui est aussi l'un des fondateurs du magazine Crash, porte sur la mode un point de vue plein de recul ­ au propre comme au figuré ­, photographiant de loin et de haut les mannequins perdus dans des décors imposants, à la mesure de ces messes de plus en plus colossales que sont devenus les défilés de mode partout dans le monde. Le mannequin solitaire incarne un modèle exemplaire et mondial. Le rapprochement de ces icônes ambiguës, plongées dans leur tragédie interne mais obéissant à la pression du capitalisme, en dit long sur l'état de la société aujourd'hui, une société postc