Volgograd (Russie) envoyé spécial
Vous vous promenez sur les bords de la Volga, au sud-ouest de la Russie, par un dimanche glacé d'avril. Sur la rive «sauvage» du fleuve cher à Alexandre Dumas, il y a des plages de sable et des cabanes pour les plaisirs de l'été. «J'y suis allée si souvent durant ma jeunesse, c'était tellement bien», explique gaiement une jeune femme dont le beau visage aux yeux revolvers n'a pas encore perdu toute son acné. Elle s'appelle Yelena Isinbayeva et ses rêves sont verticaux. Sait-elle déjà que trois mois plus tard, le soir du 27 juillet, au Crystal Palace de Londres, elle deviendra la première perchiste à franchir cinq mètres ? Possible, car la carrière de la nouvelle star de l'athlétisme russe semble maniaquement programmée, une progression presque centimètre par centimètre, conçue pour faire tomber les primes spéciales (40 000 euros à chaque record, dit-on) dans son escarcelle et celle de son entraîneur, Evgueni Trofimov, sexagénaire taiseux, à la fois nounou protectrice et père fouettard tyrannique. Avant de porter provisoirement le record du monde à 4,92 m, en septembre 2004 à Bruxelles, elle l'avait battu à neuf reprises depuis juillet 2003.
A Londres, on en était à la dix-septième. «On avance lentement, un bébé ne peut pas sortir avant neuf mois ! se défend Trofimov. Bon, c'est aussi une stratégie pour populariser cette discipline athlétique, car en Russie aujourd'hui on ne parle que de foot.» Elue athlète de l'année 2004 à 22 ans, Isinbayeva