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Libération
Critique

En habit noir et blanc

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publié le 18 août 2005 à 3h20

On dirait un boxeur sonné. Sa figure paraît comme tuméfiée par des coups, mais des coups invisibles ou internes. La dureté du combat s'y inscrit jusque dans le désordre de la serviette éponge, avec quoi il tente de recomposer ses traits dont le quant-à-soi professionnel a lâché tout à l'heure avec ce putain de toro. Il a un regard de tueur. De tueur de toros, et de tueur de photographe. De ce photographe qui vient de surprendre cette intimité qu'il se croyait seul à vivre. C'est Paquirri à Mont-de-Marsan et c'est une photographie de Michel Dieuzaide.

Démolition. Michel Dieuzaide photographie la corrida depuis 1968 avec un vieux Canon. Il a réuni ici les images les plus marquantes de sa carrière. On dit marquantes à cause évidemment des empreintes laissées par le toro dans la caboche de Paquirri. Comme l'ouvrage est bâti sur la résonance et l'écho des photos entre elles, le beau visage interdit ou interloqué de El Puno fait face à celui de Paquirri. El Puno lui aussi émerge du combat, mais la démolition a été moindre, ou elle est plus cachée, ou plus distraite, comme les deux traînées de gouttes de sueur qui lui sont comme deux fines peintures de guerre.

La corrida, une guerre ? La trinchera de Curro Romero à Séville, l'intériorisation tranquille de Ponce à Dax, le grand derechazo de Ojeda à Ronda, la prestance sans ride de José Tomas à Plasencia, affirment au contraire que l'affrontement entre un homme et un toro, captée ici en noir et blanc, ce n'est pas seulement le rictus d