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Libération

Quand régnait Domingo le dominateur

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Né il y a cent ans, Domingo Ortega bouleversa la tauromachie par son pouvoir sur le toro.
publié le 30 mars 2006 à 20h46

Domingo Dominguín, impresario taurin au tout début des années trente : «Il faut qu'arrive bientôt un destripaterrones qui mette la tauromachie bouche bée ou cul par-dessus tête, comme vous voulez.» Le destripaterrones, littéralement «l'écrabouilleur de mottes de terre», Dominguín l'a déjà dans sa poche. C'est Domingo Ortega, né il y a cent ans. Son village natal de Borox, dans la province de Tolède, où il a son buste devant les écoles a, le 11 mars, célébré l'anniversaire par une corrida. Manzanares fils a coupé quatre oreilles.

Borox vient de l'arabe borosso, boue rouge, et porte sur ses armoiries un toro enchaîné. Mais quand Domingo Ortega, à la fin des années 20, vient remuer le champ taurin, les toros sont déchaînés et c'est le sable des arènes qui est rouge : rouge sang. Entre 1921 et 1936, 9 matadors et 48 novilleros vont mourir, labourés par les coups de cornes. La raison ? Ils veulent appliquer l'esthétique de Belmonte, fondée sur l'immobilité, à des toros au caractère sauvage, inadaptés au nouveau style. Domingo Ortega traverse ce feu avec un toreo de forgeron ou de paysan. Il est fait de fer, de mouvement, de Castille et d'allitérations: dureza, dulzura. Dureté de sa muleta, douceur de son temple. Entre chaque passe, il avance sur les toros comme on gagne de la terre arable sur des friches, centimètre après centimètre. Le mot de destripaterrones lui va comme le soc à la charrue.

En pyjama. Domingo, fils de petits paysans, partait vendre ses oignons dans les villages