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Libération

Le billet numéro 79 comme souvenir

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publié le 23 août 2006 à 23h01

De ses rendez-vous à la préfecture, Mouna a tout gardé, «même les petits tickets numérotés de la file d'attente». Le jour, où, enfin, on lui a remis sa carte de dix ans, l'employé au guichet avait froissé et jeté le billet. Mouna a sangloté : «Après toute cette lutte, je le voulais ce souvenir ! Le monsieur m'a dit : "Vous avez raison !", il l'a retrouvé dans la poubelle et me l'a rendu. Il portait le numéro 79, l'année de mon arrivée en France.»

Avant, à Tunis, Mouna avait son salon de coiffure et un mari brutal. Jeune divorcée, elle s'enfuit et débarque en France, portant le hidjab et de longues robes aux couleurs vives. A Paris, elle trouve vite un travail au vestiaire d'un grand restaurant. «Vous me voyez tendre les manteaux aux clients avec mon voile ? J'ai dû refaire tout mon trousseau. Je me disais : "Tu es en France maintenant, habille-toi comme les Françaises !"» En 1995, c'est l'affolement : «Le gouvernement a commencé à dire que les étrangers seraient renvoyés dans leur pays.» Mouna a rejoint les sans-papiers à la Cartoucherie, puis au grand entrepôt de la rue Pajol.

L'expulsion de l'église, elle n'y était pas. Mais son nom est sur les listes et elle se rend au commissariat : «Ils m'ont dit : "Si tu n'as pas d'enfant, inutile de demander, tu n'as pas droit aux papiers !"» Et elle reçoit une «invitation à quitter le territoire» dans les deux mois. «J'étais si triste... A la réunion suivante des Saint-B