Il va se tourner vers une tribune. Jambes tendues, bras ballants, il va laisser tomber sa tête, chuter ses épaules. En révérence. Il va se redresser. Puis, de la main, envoyer un baiser à la foule. Mécaniquement, il va effectuer un quart de tour. Même scénario. Encore un quart de tour, puis un autre. La foule sera debout. La foule applaudira. Longtemps. Ce sera forcément émouvant. Ses yeux seront sans doute mouillés. Ça va se passer à New York. Cette nuit, peut-être. Ou après-demain. Cette semaine, vraisemblablement. Pas bien loin de lui, il y aura un autre homme, une raquette en main. Qui aura les meilleures raisons du monde de se la péter, mais qui se fera sans doute tout petit. Gêné. Passager clandestin de la scène. Ce deuxième homme sera peut-être un Roumain à la gueule de salaud de série Z. Ou un jeune molosse chypriote. Ou un cogneur américain au regard de psychopathe. Il s'appellera Andreï Pavel ou Marcos Baghdatis, ou Andy Roddick. Peut-être que ce ne sera aucun des trois. Mais, dans les deux semaines qui viennent, un joueur de tennis va envoyer une icône au musée. Car on imagine mal Andre Agassi remporter l'US Open, le dernier tournoi d'une carrière entamée il y a vingt ans. On ne l'imagine même pas, le dos en compote, rééditer son parcours de l'an dernier, quand ses jambes de 35 ans l'avaient amené jusqu'en finale, après trois marathons consécutifs de cinq sets. Ce jour-là, il aurait pu battre n'importe qui. Mais en face c'était Federer, pas n'importe qui.
Trois déc