Dans une plaza de toros, il est aussi inévitable que la grosse pendule. Sauf que lui est petit et qu'avec lui le temps paraît s'être arrêté. Depuis quand voit-on Francisco Cano, dit «Canito», photographier la corrida sous sa casquette blanche ? Depuis toujours et même avant. Il était là avant nous. Il a photographié la mort de Manolete à Linares il y a cinquante-neuf ans presque jour pour jour, on l'a vu pleurer derrière son abri à Séville le 1er mai 1992 lorsque le toro Cubatisto a mortellement séché le banderillero Manolo Montoliú, on est persuadé qu'il nous survivra.
A 94 ans, Cano court toujours les ferias, voit autour de 115 corridas par saison en Espagne, en France et en Amérique du Sud, claque quatre ou cinq pellicules par course, a sorti de ses bains de révélateur autour de 1 million de photos taurines publiées dans Dígame, ABC, El Ruedo, Aplausos ou Toros, la revue nîmoise. Au-dessus de sa signature manuscrite au stylographe, des centaines de toreros, des milliers de toros, de passes, et les célébrités plus ou moins notoires du premier rang des barrières : de Rita Hayworth à Señor Machin et Madame, gendre et fille d'un dentiste aficionado de Pampelune. Se faire tirer le portrait au premier rang par Cano donne de la catégorie. Il est la mascotte du mundillo. En juillet 2000 à Pampelune, un gougnafier lui a chouravé sa sacoche avec tous ses appareils. Cano en a pleuré mais les taurins se sont cotisés : la Casa de Misericordia, organisatrice des corridas d