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Libération

1904, préhistoire de la triche

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par Thierry PELLETIER
publié le 18 juillet 2007 à 8h50

Ils ne ménageaient pas leur peine, les titans à moustaches qui se disputaient les premiers Tours sur leurs drôles de grosses machines de vingt kilos. Ils partaient de nuit pour des étapes de quatre cents bornes, et se fadaient près de vingt heures de selle. La longueur et la dureté de l'épreuve, l'organisation balbutiante, des contrôles trop disséminés, tout cela allait encourager les affreux à rivaliser d'imagination pour truander. En 1904, Chevalier finit troisième de la première étape, à Lyon, frais comme un gardon, alors qu'on l'avait signalé distancé. Il reconnaît rapidement avoir effectué une grande partie de l'épreuve en voiture. De nombreux concurrents profitent de l'obscurité pour faire du stop. C'est d'ailleurs plus pour surveiller les attardés que par souci d'humanité que sera mise en place plus tard la voiture-balai. Les clous font leur apparition : semées au départ par des puritains ulcérés de voir pérégriner cette obscène caravane d'exhibitionnistes du molletogomme, les pointes ne vont pas tarder à être utilisées à des fins partisanes. Placées entre deux bornes kilométriques d'un seul côté de la route, il suffit au coureur prévenu d'emprunter le bon. Ajoutée aux agressions de coureurs par des supporters fanatisés, cette succession d'irrégularités va obliger les organisateurs à déclasser les quatre premiers. L'année suivante, dès la première étape, la route est à nouveau tapissée de clous de toutes tailles, entre Meaux et Châlons. C'est une telle hécatombe qu'on