Dans l'histoire de la corrida, l'infortune porte un nom : Florentino Ballesteros, tué voilà quatre-vingt-dix ans. Le 22 avril 1917, à Madrid, au cours d'une veronica, le toro Cocinero, de Gamero Civico, le poinçonne dans la poitrine à l'endroit où exactement, un an avant, à Morón de la Frontera, un toro de Urcola l'avait salement encorné et rendu phtisique. Il ne s'était jamais vraiment remis de ce repérage de la mort.
Ce jour d'avril, en lui serrant la main avant la course, Manuel Bienvenida s'aperçoit qu'il est brûlant de fièvre. Le dimanche précédent, à Barcelone, Florentino avait eu le souffle coupé en toréant, comme si quelque chose lui faisait signe. Cocinero enfonce le clou. Celui du cercueil. Deux jours plus tard, à 2 h 25, Florentino Ballesteros meurt, avec la seule compagnie de Manolo Bienvenida, dans l'auberge de los Leones, rue del Carmen. Bienvenida promettra à son épouse, Carmen, de ne plus jamais toréer à Madrid et s'y tiendra.
Casquette et cape. Cocinero, en passant à la casserole le torero aragonais, vient de fournir un modèle à la littérature et au cinéma. Florentino, que les bonnes soeurs de l'orphelinat de Saragosse avaient, pour sa vivacité, surnommé «Eau Vive», sert de modèle au roman El Niño de las monjas de Juan López Núñez. Une oeuvre publiée en 1926, dont trois versions cinématographiques et une adaptation théâtrale ont fait sangloter l'Espagne pendant presque un demi-siècle. L'argument ? Un enfant abandonné à la porte d'un couvent devie