Le héros est tout d'une pièce, sans jointures, massif, les yeux en forme d'aigue-marine. L'enjambeur du monde a vidé d'un trait l'Indien et le Pacifique : 9 ours et 12 heures, et 10 jours et 14 heures. Le marin le moins exotique du monde ne séduit pas par le verbe. «J'ai vu hier un homme timide, presque gêné, qui a presque peur de déranger», raconte Jean Glavany, ancien ministre et marin, venu à Brest pour saluer «un exploit extraordinaire».
Plaisir. Il n'y a pas de solitaire moins «littérateur» que Joyon : «Dix minutes de téléphone tous les deux jours, c'est bien assez.» Depuis longtemps, il a tordu le coup à l'éloquence comme il l'a fait pour les records. Quel homme refuserait une interview au Times ou à Newsweek ? «Je ne me sentais pas la force de parler anglais.» Si Francis Joyon est avare de mots, il nous a donné un cours de plaisir durant 57 jours. Toujours sur son quant à soi. Réservé au possible. On peut dire que cet homme travaille, sans jamais l'avoir souhaité, à la consolidation de sa propre légende. Il est né dans les grandes plaines agricoles de l'Eure-et-Loir. Mais, adolescent, vit l'aventure maritime par procuration. Dans les livres de Moitessier. Il découvre Concarneau à vélo. Car le jeune Francis possède un solide coup de pédale. Qui dit Concarneau dit les Glénans et son école. Il apprend la mer, le noeud de chaise et la construction en contreplaqué. A l'heure de ses premiers faits d'armes, il a 32 ans. Joyon a